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vendredi 8 janvier 2021

C'est l'Orestie, mais à l'envers...

L'Orestie, mise en scène de Roméo Capellucci
(pas de crédit pour la photo)
Drôle de titre pour un billet. En plus il risque d'être long et il vous faudra, je le crains, le lire jusqu'au bout pour comprendre où je veux en venir.

On se lance dans le bloguage et voilà qu'on se retrouve plongé dans une actualité aussi brûlante que délirante, et on s'interroge. Qu'ajouter aux échanges sans rabâcher, plussoyer ou troller ?

Ok je suis joueuse, j'essaie !
 

En début de semaine on apprend donc qu'un constitutionnaliste célèbre et respecté, époux d'une historienne également célèbre et respectée est mis en cause par sa belle-fille pour des actes pédo-criminels commis sur son beau-fils (frère jumeau de la belle-fille, suivez un peu !). Elodie et Nicolas ont beaucoup écrit sur le sujet qui a été commenté chez eux ou sur Facebook, mais une question a soigneusement et diplomatiquement été évitée (enfin, si j'ai bien suivi, sauf dans les échanges, musclés, entre Elodie et Michèle Delaunay) : "si crime il y a et qu'il est juridiquement prescrit, quel est le sens de cet outing ?".
S'ensuit une invasion hallucinante du Capitole US : à l'image un improbable folklore en mode Jamiroquai/Village People rhabillés de drapeaux confédérés et T-Shirts néo-nazis. 

On ergote alors sur la qualification de ces tristes clowns et de leur tristissime et clownissime leader : fascisme ou populisme comme dans la matinale d'Inter ce jour, où j'ai quand même entendu cette perle "oui mais la grosse différence c'est que ce mouvement s'enracine dans une colère sociale".
Ben oui c'est bien connu l'incendie du Reichstag c'était au cœur d'une période de prospérité et de paix sociale, surtout en Allemagne. Pour le fascisme j'y reviens un peu plus loin. Passons...

Et là, la commémoration débarque avec le triste anniversaire de l'attentat contre Charlie, le crime de fous de dieu décérébrés, et on se remet à ergoter sur Etre ou ne pas être Charlie...

Le point commun entre tous : l'expression d'une tension grandissante - celle qui caractérisera notre siècle ? - entre la morale (sur fond religieux ou pas) et le droit, entre l'opinion et la raison. 

Car j'ai l'impression, la très nette impression que ce qui se joue ici est un véritable renversement de la modernité, d'une contestation profonde de la primauté du droit sur la revanche voire la vengeance, de celle de la raison et des faits sur l'opinion, j'y ajoute la revendication même pas sous-jacente d'une primauté de la représentation des intérêts particuliers ou des communautés (coucou les intersectionnistes les "faisceaux" du fascisme ça vous évoque quelque chose ?) sur la représentation égalitaire et démocratique des citoyens via leurs élus.

Quand la liberté d'expression si chère à nos frères nord-américains, après avoir autorisé les opinions les plus abjectes ou hallucinantes (du KKK au créationnisme et au platisme (on rigole on rigole mais bon) en passant par toutes les opinions religieuses y compris celles que nous considérons - à raison selon moi mais nous y reviendrons - comme sectaires), en arrive à légitimer les faits alternatifs, on se réjouit un peu vite de voir Facebook et Twitter jouer les gendarmes. On en oublie tout aussi vite la béance démocratique/de gouvernance qui se crée quand un acteur privé a tout pouvoir de censure, de son fait et de ses propres règles et non du fait d'une loi votée et contrôlée dans son application, cf leur promptitude justement dénoncée à censurer les tétons tout en laissant passer les armes et la violence.

On rate aussi l'opportunité de se féliciter d'avoir chez nous ces lois, pourtant jugées liberticides ailleurs, anti-sectes, anti-haine et incitation à la haine, laïcité "à la française" #toussa. Le modèle français hérité des Lumières pourrait être l'opportunité d'un nouveau leadership, ou restera le hoquet d'une ultime et dérisoire résistance à ce qui se joue...

William-Adolphe Bouguereau,
"Les Remords d'Oreste" (1862) - détail
Sommes nous vraiment en train de vivre (mes références sont encore plus lointaines que l'univers très Grand Siècle de Didier Goux que je découvre, et imprégnées de culture gréco-latine n'en déplaise à Charles Perrault à qui vous admettrez que cela doit faire une belle jambe d'où il est) une Orestie à rebours (oui j'assume aussi les liens wikipedia parce que s'il faut que je vous raconte tout ici ce sera définitivement beaucoup trop long) ?

Les dieux qui se retirent au profit de leurs symboles (statues) et de l'administration collégiale de la cité, les Euménides, la raison et le droit sont ils en train de laisser place à aux Erinyes : passions, vengeance et destins individuels tragiques livrés aux seuls caprices des dieux ?

Oui j'ai osé


L'avenir nous le dira, mais bonne année quand même !

5 commentaires:

  1. Diantre... je n’ai pas ma réponse à cette question finale et néanmoins fort bien posée...
    50/50 je dirais ?

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    1. Indécidable en effet, sauf qu'il faudrait sérieusement se retrousser les manches pour espérer inverser la tendance, mais comment ?

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  2. Hé bé… Si, maintenant, il faut repotasser ses lectures antiques avant de répondre aux questions des blogueurs, voire blogueuses, c'est vraiment qu'on a changé d'époque !

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    1. Allez, juste les Euménides...

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    2. Figurez-vous que j'ai relu tout Eschyle et tout Sophocle il y a quelques mois. Mais ma mémoire de vieillard est désormais dans un tel état de déréliction qu'il ne serais pas inutile que je recommençasse ! Bref, c'est une chaîne sans fin…

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