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dimanche 28 février 2021

Comme un retour de vacances

Et oui,

On a rangé les anoraks, les chaussures de rando et les bâtons, on a fait la route tôt, très tôt pour éviter les bouchons et s'assurer d'une arrivée avant le fatidique couvre-feu, et nous voilà rentrés...

Mais bon sang que c'était bon ! 

Bon de couper, de tout, j'ai même raté 2 KdB c'est vous dire...

Bon de changer d'air, de retrouver la montagne, la neige (mêlée de sable apporté par le sirocco), de se promener, sans masque, de rencontrer/retrouver des vrais gens, de pique-niquer au soleil, de glandouiller un peu, aussi... De relâcher (un peu) la pression paranoïa sur les gestes barrière parce que les plus âgés d'entre nous étaient déjà (un peu seulement mais un peu quand même) protégés par leur première injection.

Bon de retrouver comme chaque année en partant à la même période, cette rupture entre l'avant hivernal, gris et triste, et un après printanier, premiers arbres fruitiers en fleurs, pas tout à fait premiers mais très sonores gazouillis des zoziaux. Je vous écris fenêtres grandes ouvertes...

Mais du coup un peu difficile de se raccrocher à l'actualité :
- encore un débat stérile sur l'écriture inclusive, qui me rappelle toutefois que nous faisons, insensiblement le deuil d'une pensée universaliste du droit à l'indifférence au profit de l'exacerbation de droits aux différences, de discours victimaires, avec la complicité d'une certaine frange (ou d'une frange certaine) de la gauche ou ce qu'il en reste. Il faudra que j'en fasse un billet, un jour, peut-être, ou pas... Rangeons dans la même catégorie le débat surréaliste sur l'islamo gauchisme à l'université, c'est somme toute du même tonneau de vin marocain.

- tiens à propos de la gauche, des électeurs paumés, qui se demandent ou pas, s'ils voudront encore jouer les castors à la prochaine échéance... pendant que le PS n'en finit pas de consommer sa déchéance et de chercher à tout prix à sauver un appareil, plutôt que de construire un projet... les deux, appareil comme projet évoquant de plus en plus l'allure famélique d'un grand ado anorexique.

- encore une conférence de presse pour dire en substance : l'heure est grave, attendons pour voir et pour décider, déchaînant le désormais habituel concert de yakafokon dont le lunaire "confinons sec pendant 3 semaines pour pouvoir tout réouvrir après", ben voyons, en 3 semaines on aura vacciné tout le monde et les variants auront disparu...

- encore pas assez de personnes vaccinées, de vrais faux symptomatiques (ou hypocondriaques ?) et des protocoles ubuesques qui s'ensuivent,



La routine, quoi !


Bien contente d'avoir fait le plein de soleil et de vitamine D, et reconstitué mon stock de bienveillance...



vendredi 19 février 2021

Méditerranée, 1 point (billet léger)

Aujourd'hui Laurent nous a fait le plaisir d'un billet doux, comme un café avec vue sur la ville, odorant comme les mimosas et le romarin.

Et ce billet, sa photo d'illustration so méditerranéenne (même si, à la réflexion et en étant tout à fait honnête, on pourrait, peut-être, en cherchant bien, trouver des décors analogues du côté de Lisbonne et de l'Alfama, mais bon là n'était pas mon propos), cette ambiance méditerranéenne a provoqué chez moi une bouffée de nostalgie, une envie folle de Méditerranée !

Kavala, rue escalier
Mais pourquoi, d'abord me sentir si méditerranéenne ?
Je suis née dans le 93 dans une famille d'un côté Bourguignonne mâtinée de Morvandiot-Parigot, de l'autre (non bon de l'autre je vous raconterais un autre jour dans un autre billet sinon ça va prendre des plombes, sachez seulement, pour l'éclairage sur notre sujet du jour qu'on se situe encore plus au nord globalement), bref aucune attache familiale de ce côté là. Enfant mes vacances se partageaient entre Vézelay, les rives du Chassezac puis la Dordogne au cœur du triangle magique Montignac-Les Eyzies-Sarlat, la mer y était optionnelle...

Et pourtant, réminiscences de vacances de février au Lavandou, oranges et mimosas en fleurs, quelques séjours en Corse aussi et puis, depuis bien 25 ans maintenant Thasos, cachée au delà des routes touristiques occidentales... Thasos que j'approchais l'été dernier, penchée telle Ocatarinettabellatchitchix à l'avant du ferry, humant à pleins poumons cette odeur de maquis, de ciste, de pin et d'origan (pour la sauge il faut quand même monter un peu).

Ma Méditerranée est olfactive...

Ma Méditerranée est escarpée. Sur les rives que je fréquente, peu de lagunes ou de longues baies, mais la montagne, tout près, des criques, une rencontre entre terre et mer nette et sans nuance, presque brutale,  du pittoresque coloré et presque trop facile me diront certains... soit ! Et alors ?


Mais j'aime aussi déambuler dans ses villes bruyantes et laides d'une négligence qu'on pourrait presque croire délibérée, ces villes orphelines d'architecture (sauf Barcelone évidemment, plus pour le plan Cerda que pour Gaudi).  Parcourez au hasard n'importe quelle ville grecque de bord de mer grande ou moyenne, déambulez-y des heures durant et sortez des quartiers historiques... Si cette laideur, cette vulgarité de cagole au fond de teint qui craquelle et au rimmel qui dégouline, ne vous étreint pas le cœur, c'est que vous n'en avez pas...

Thessalonique, même la neige n'y peut rien
Athènes 28is oktovriou, au delà du musée archéologique


J'ai des amis bretons et des amies bretonnes (j'essaie l'inclusif sans point bidule, mais franchement...), une partie de ma famille est maintenant normande, et il me faut par souci d'équilibre, aussi parler ici de cette mer étrange et changeante au charme moins immédiat, la Manche, l'Océan, la baie du Mont st Michel. 

Côté olfactif, on va plutôt aller sur des notes iodées avec une longueur sur le goémon, à la fois minéral et organique. Ici point de senteur anisée de ricard, ouzo ou casanis, de parfums de vins chargés en syrah, d'agrumes et d'olives... place au cochon, au sarrasin et à la bière...

Côté relief, la terre y est plus plate, du moins dans nos contrées loin des fjords, et c'est la lutte sans cesse recommencée de la mer et de la terre, de la vague et du rocher, de la tangue et de l'eau, du ciel et de ses reflets, qui offre tantôt à coups d'embruns et d'écume, et souvent à l'aide de subtiles nuances dans la couleur, de quoi accrocher notre regard... 


Et dieu que vos villes sont proprettes, apprêtées pour le touriste, sans autre défaut que leur perfection de carte postale (même Lorient, Le Havre et Brest, si si si !).
Par chance il vous reste vos ZAC et zones pavillonnaires, et vos campagnes, les champs d'artichaut du Léon et leurs fermes sans apprêt m'ont réconciliée avec la Bretagne au même titre que les maisons des Orcades, pavillons recouverts d'un enduit piteux d'une laideur attendrissante avec l'Ecosse.




En vérité je crois, rives à marées, je ne vous connais pas encore assez pour vous apprécier vraiment et inlassablement je reviens vers elle... ma Méditerranée abrupte, brutale et contrastée aux couleurs saturées, facile et familière à la limite de la vulgarité. J'y installe mon hamac sous une treille et je flemmarde au chant des cigales et au gratouillis des guêpes faisant du papier pour leur nid.









vendredi 12 février 2021

Coming out, #Metoo #SciencesPorcs, attention billet qui pique

Tu intègres une grande école de commerce… tu n'as pas 20 ans, venue de banlieue et lestée d’une histoire passionnelle épicée de fait divers (ton ex petit ami du lycée t’a harcelée toute l’année de prépa avec apothéose en agression à l’arme à feu, ça ne t’a pas empêchée de réussir les concours) tu deviens assez vite un objet exotique, auréolé d’une brume de danger.


Tu es populaire, tu fais partie du BDE, tu es assaillie par des prétendants sincères, tu tombes amoureuse de l’un d’eux, pas forcément le plus assidu, mais il finit par te plaquer (tu apprendras qu’il s’est remis avec son ex), tu es dévastée, tu finis l’été en lambeaux… Mais tu es tellement populaire que l’ensemble du campus se met en grève à la rentrée suivante pour t’éviter un redoublement pour l’exemple, tu te sens forte, soutenue et entourée. Les fêtes reprennent, l’alcool coule à flot et tu es de nouveau sur le marché. Et il se passe un truc improbable, tu conclus avec un type qui te plait vraiment, mais… peur de t’engager et de souffrir encore, vertige, déni… tu ne donnes pas suite. Résultat : lui passe pour « le coup d’un soir » et toi tu troques ta figure d’objet vaguement exotique auréolé d’une brume de danger, contre un banal « juste une salope ».


L’alcool coule toujours à flot, et personne ne te tourne le dos pour autant, les copains à défaut d’être tous des amis restent des copains fidèles, les copains communs arrivent à composer sans juger.

Jusqu’ici ça passe encore.


Et puis un premier de l’an, chez des étudiants de la même école, mais une ou deux promos en dessous. Eux ne te connaissent pas en tant que personne, juste la grosse étiquette de chaudasse. On te sert un verre en insistant pour que tu boives celui-là précisément, tu ne te méfies pas ! Ensuite c’est le trou noir… tu reprends conscience en compagnie d’un type haletant des « je t’aime » tout en te besognant (mollement quand même). L’amie avec qui tu es venue dans ce guet-apens, vaguement réprobatrice, te dira sur la route du retour qu’elle ne t’a jamais vue aussi déchaînée que lors de cette soirée dont tu n’as aucun souvenir. A l’époque, on parle peu ou pas de la GHB, et même si tu es convaincue au fond de toi que ce n’est pas une ivresse comme une autre (et tu en as connues, mais jamais tu n'as perdu le contrôle)… tu mettras quelques années à mettre le sale nom de viol sur ce qui t’est arrivé. Je ne nomme personne et les faits sont prescrits. Une bande son (par chance pas de vidéo encore à l’époque) circule vaguement sur le campus.

Le dernier semestre d’école ressemble à une descente aux enfers : enchaînement de soirées toujours plus alcoolisées, enlaidissement plus ou moins calculé (au moins 10 kilos, une frange improbable…), succession de coïts approximatifs avec des mecs que tu n’as pas vraiment choisis. On ira jusqu’à balancer dans ta piaule un jeune catho bon teint, du genre qui se réserve pour sa promise, histoire de le dépuceler : au final il en souffrira plus que toi qui en es, pour le coup, déjà au douzième sous-sol de l’estime de soi. Certains des copains, enfin des copines surtout, commencent quand même à prendre leurs distances.

Tout a une fin, l’école s’éloigne, la vie active commence… Tu perds tes kilos de trop et reprends forme humaine, ta vie amoureuse reprend quelques couleurs, tu reviens à des partenaires choisis (mais dans ta boîte de pub qui, par certains aspects, a des allures de campus et où les couples se font et se défont, tu gardes tes distances... C’est bon on ne va pas la refaire !). Tu finis même par te marier (avec le cousin de l’amie qui t’avait conduite à ce fameux réveillon – par ailleurs un authentique féministe, qui prend plus que sa part des tâches ménagères et de la charge mentale qui va avec, ce n’est sans doute pas totalement un hasard) et, chose assez improbable, à être une des premières filles de la bande à avoir des enfants, signe manifeste de rangement et de respectabilité.

Est-ce que j’ai pardonné ? Bien sûr. Mais pardonner à qui d’abord ? Au violeur du 1er janvier, un moche timide sans doute même vaguement sincère et amoureux ? A ses copains qui voulaient juste lui rendre service et expérimenter cette drogue incroyable dont on leur avait parlé, s’amuser un peu au passage aux dépens d’une fille qui n’était rien pour eux, une fille légère qui n’en était sûrement pas à ça près ? A l’amie qui n’a pas compris ce qui se passait ? A l'absolu connard de goujat qui ayant "levé" la même amie - ma codouche - a tenté d'en avoir deux pour le prix d'une en passant par cette fameuse douche partagée - j'ai verrouillé évidemment ? A la jeune fille simplette et naïve que j’étais, qui n’a pas su ou voulu voir, ou voir à temps que ce qu’elle tenait pour acquis, l’égalité hommes femmes et la liberté sexuelle, ne l’étaient pas pour tous, dans toutes les représentations ? La femme que je suis devenue garde énormément de tendresse et d’empathie pour cette jeune fille-là. Chacun des personnages de cette histoire a sa part de responsabilité individuelle bien sûr, mais c’est bien d’un système qu’il est question ici. Je n’aime pas l’expression « culture du viol », je la trouve excessive et déplacée. Mais il est urgent d’agir contre les stéréotypes, contre l’effet de bande ou de meute (cela dit, dans mon cas, avoir une bande, ne pas être isolée, m’a sans doute évité de sombrer plus profondément encore dans ce que je n’identifiais pas alors comme une dépression). Il est temps d’inverser les représentations du courage. Est courageux celui qui parle et dit stop, pas celui qui, pour se conformer aux diktats de la bande, dépasse ses limites morales pour se prouver qu’il en est capableEst courageuse celle qui ose mettre les mots, agression sexuelle, viol, sur des rituels qui, non, ne sont pas bon enfant.

Le temps passe et tu oublies… même le hashtag #metoo te laisse - relativement - indifférente (dans ton histoire, pas de liens de pouvoir ou d'autorité), jusqu’au fameux papier de Mediapart sur HEC, l'ESSEC et l'EDHEC, à la sortie prochaine du livre correspondant, au hashtag #SciencesPorcs et à cette émission avec Laure Adler sur France 5, la découverte hallucinée des soirées zoulette.

Donc cette violence que tu as subie (et, je me permets d’insister, pas que toi : le « coup d’un soir » raillé par ses copains, le puceau, même le violeur-amoureux haletant… sont aussi en quelque sorte des victimes, qui d’autre ?) non seulement elle ne s’est pas éteinte, mais elle s’est aggravée à coup de réseaux sociaux, de photomontages et de mailing lists ?

La résilience en prend un coup, l’envie de vomir est bien là.
Et je salue ces étudiantes courageuses qui prennent le sujet à bras le corps, et j’espère bien, mais bien fort, que les étudiants hommes les rejoindront (voire les rejoignent déjà) dans ce combat et que les écoles, enfin, ouvriront les yeux sur ce qu’elles tolèrent par paresse intellectuelle et morale.