Chers artistes, chers metteurs en scène, chers producteurs...
Certes je suis moins rapide que Boris à dégainer mon billet post-César. Car il me faut mettre les mots sur un malaise, et pour cela je suis moins douée que lui et surtout moins que vous.
Ce malaise ce n'est pas le vôtre, vous avez la chance, l'opportunité et les relais pour l'exprimer. Non c'est le mien, celui d'une citoyenne lambda un peu atterrée de ce grand déballage.
La circulation du putain de virus s'accélère, les variants s'avèrent non seulement plus contagieux mais finalement aussi plus dangereux que la souche initiale. Et donc le grand scandale c'est de ne pas réouvrir les cinémas et les théâtres, tant votre envie de travailler est grande, et notre besoin essentiel de culture également.
Au jeu des comparaisons, vous laissez de côté le bon sens. Non passer 2 à 3 heures dans une salle plus ou moins ventilée, à portée d'aérosols d'autres affamés de culture n'est pas comparable à une virée au centre commercial, ou vous croiserez sans doute plus d'affamés de biens bassement matériels, mais chacun pas plus de quelques secondes, quelques minutes s'il y a de la queue aux caisses... (Pour les messes, OK rien à dire)
Non vous n'êtes ni plus ni moins à plaindre que d'autres secteurs, d'autres précaires également sinistrés : auto entrepreneurs, saisonniers précaires et autres cumulards de petits jobs au black racisé pour ne citer qu'eux. Au moins Jeanne Balibar aura pensé à eux aussi.
Je comprends la blessure narcissique à être considérés comme "non essentiels", mais venant de vous elle me déçoit. Elle me déçoit car je ne vous aime jamais tant que quand vous me faites oublier le comédien pour le personnage, le réalisateur pour l'auteur ou le récit. Alors quand votre égo remonte si visiblement à la surface, oui je suis gênée.
Vous qui devriez incarner l'avant-garde, nous donnez le spectacle d'un conservatisme piteux, d'une chouinerie au mieux désagréable, à la limite odieuse. Qui parmi vous aura choisi d'investir les écoles, collèges et lycées, que nous pouvons nous féliciter d'avoir plus que d'autres maintenus ouverts ? Qui pour porter ces textes grands ou petits auprès de nos jeunes qui ont tant besoin pourtant, de s'oublier et d'ouvrir leurs esprits ? Qui pour aller chercher son public, à défaut d'un modèle économique, sur ces media et réseaux restés accessibles ?
Quelques uns, dont quelques belles découvertes, mais si peu, si peu...
Nous rouvrirons un jour ces théâtres, ces salles de concert et ces cinémas, vous retrouverez votre public suffisamment argenté pour s'offrir ce plaisir luxe essentiel. Mais entre ce public et vous, quelque chose se sera peut-être perdu en route...
Je vous aime et vous me manquez trop pour vous en tenir rancune longtemps, je sais aussi l'énergie déployée par les moins visibles, les moins exposés d'entre vous pour, envers et contre tout, créer, inventer, raconter, habiter et mettre en récit la vie d'après : et ça, ça oui c'est essentiel pour nous tous.
Merci Claire pour ce rappel à la - dure - réalité.
RépondreSupprimerOui c’est difficile pour les artistes. Mais pas que pour eux hélas !
On pardonne tout à Jeanne Balibar. Les mots de solidarité ou les chouineries :)
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